La mise à l’eau du STYX

Voici une archive concernant le travail du chantier Mourlon de Pierre-la-Treiche : il s’agit de l’article paru dans le journal L’Est Républicain à l’occasion de la mise à l’eau du STYX, commandé par la famille Biechel, en 1964. Un grand merci à eux de nous avoir transmis ce document !

Le texte retranscrit :

Le « STYX », péniche de 70 tonnes, a été lancé, hier au chantier fluvial de Pierre-la-Treiche

 

Jeudi, à 16h, le « STYX » est sur cales ; à 18h, la péniche a quitté son bassin et flotte sur le canal de l’Est.

 

Un chantier fluvial à Pierre-la-Treiche

 

Lorsque le nom de Pierre-la-Treiche vient dans la conversation, chacun pense baignade, pêche, friture, en un mot au soleil des vacances. Peu de gens ne soupçonnent, en fait, l’existence d’un chantier naval, situé entre le Moselle et le canal, chantier dirigé par MM. Mourlon. Chaque année, régulièrement, cette entreprise met à l’eau une péniche ou un petit remorqueur. Car peu connu des néophytes, il l’est, certes, plus des mariniers et à peine une péniche est-elle lancée qu’une autre est déjà en chantier.

 

Une entreprise familiale qui date de 1908

 

Effectivement, la construction des péniches, en bois alors, démarre dès 1908. Ce sont les grands-parents de MM. Mourlon qui créèrent le chantier. Bien sûr, les techniques se sont améliorées, les péniches, elles aussi, ont fait de gros progrès, mais c’est toujours un travail de longue haleine que la construction d’une péniche de 70 tonnes qui recevra 255 tonnes de fret pour nos canaux.

 

Une péniche : un an de travail pour une équipe de huit hommes

 

En réalité, M. Mourlon estime qu’il ne faudrait que huit à dix mois pour venir à bout de cette construction, mais il y a beaucoup de travail en plus. La plupart des réparations sont effectuées au chantier de Pierre-la-Treiche, qui sert de bassin de radoub en quelque sorte.

 

La production principale du chantier est donc ces péniches, du type « STYX ». Longueur 38,80m (longueur maximum), largeur : 5,20m. La cale, destinée à recevoir sucre, soude ou tout autre produit, mesure 29m50 sur 5m de large et 3m de hauteur moyenne, soit environ 325 mètres cubes.

 

Cette péniche est propulsée par un moteur Diesel six cylindres de 180cv. Les réservoirs ont une contenance de 2500 litres, ce qui donne une autonomie de 20 jours de marche, soit Nancy-Paris aller et retour ou Nancy-Marseille aller et retour.

 

On trouve deux autres moteurs à bord : l’un sert à relever les ancres, l’autre a un triple rôle : il entraîne la dynamo (recharge des accus), fournit de l’air comprimé (lancement du moteur principal), actionne la pompe de cale.

 

Jusqu’à 380 tonnes en charge

 

Sur les canaux de petit gabarit, ce type de péniche peut recevoir 255 tonnes de fret, mais sur les canaux du Nord ou la Seine, elle peut recevoir jusqu’à 380 tonnes en charge, maximum. De même, la puissance du moteur permet de remonter les fleuves, tels que le Rhône ou le Rhin.

 

Le « STYX » est à flot donc. Il reste à parachever les détails techniques, ce qui prendra plusieurs jours. Mais d’ores et déjà, avant que le marinier ne l’ait revêtu d’une peinture extérieure flambante neuve, qu’il nous soit permis de souhaiter à cette première péniche l’invulnérabilité que les anciens accordaient au fleuve des Enfers, qui portait le même nom que cette coque.

J. Marquie

 

 

Nous n’avons pas la date exacte à laquelle est paru l’article, mais la famille Biechel indique que la mise à l’eau de leur bateau a eu lieu le 4 avril 1964, qui serait un samedi, pas un jeudi, et en plus, à midi, pas en fin d’après-midi…

 

Yvon Biechel, qui a repris le STYX quand son père Charles a pris sa retraite, tient à apporter quelques précisions sur des détails figurant dans l’article : la longueur exacte du bateau est de 38,72m, sa largeur est de 5,08m puisque ce sont les écluses des canaux au gabarit Freycinet qui font 5,20m de large, il fallait bien quelques centimètres de marge pour pouvoir y entrer, et le moteur d’origine faisait 160cv.

 

Sur la photo de gauche, on voit le cul du bateau, avec sa devise, STYX, et son matricule, NY3655F (les lettres NY signifient qu’il est immatriculé au bureau de Nancy – aujourd’hui diparu -, 3655 est son numéro d’ordre, et la lettre F, c’est pour France) en lettres soudées :

Sur la photo de droite, on peut voir l’heureux propriétaire et les ouvriers du chantier, réunis pour un vin d’honneur :

 

Figurez-vous que quatre ans après sa mise en service, le STYX est passé à la télé ! Bon, c’est furtif, mais cette fois on voit bien le nez ; c’était dans un reportage de Lorraine soir, diffusé par l’ORTF le 25 mai 1968 et consacré à la situation sur les voies navigables à Nancy et dans la région pendant les grèves. Le STYX est amarré au port Saint-Georges, à Nancy, sur le canal de la Marne au Rhin :

La vidéo complète, de 47 secondes, est à retrouver sur le site de l’INA, en suivant ce lien : https://www.ina.fr/video/SXF01010063/situation-sur-les-voies-navigables-a-nancy-et-dans-la-region-video.html.

 

Et pour approfondir vos connaissances sur le STYX, qui existe toujours aujourd’hui même s’il ne transporte plus de fret, vous pouvez aussi consulter sa fiche sur le forum Vagus-Vagrant, en cliquant ICI.